MADELYN

Toi, t'es du genre à afficher un grand sourire en public. A parader avec ta cour comme un astre solaire alors qu'en fait, tu n'es qu'une lune qui a emprunté ses rayons. Tu fais semblant. Guettant l'approbation des autres, t'en nourrissant comme on gobe des friandises. T'as toujours ce sentiment d'être une fraude. Une étrangère. Quand bien même ta famille soit installée à Silent Hill depuis toujours. Tu voltigeais dans les airs pour encourager ton lycée. Tu fais de même à l'université. Seul moyen d'obtenir une bourse avec tes résultats moyens. Classe moyenne. Taille moyenne. Toujours moyenne. La seule chose qui sortait de l'ordinaire chez toi était ton physique. On t'a toujours trouvé jolie, puis belle. Pas d'une beauté classique mais d'une beauté plus primaire. De celles qu'on voulait pour une nuit mais pas pour la vie. Pourtant c'est tout ce à quoi t'aspirait. Une vie tranquille. Un mari. Un chien. Quelques enfants. T'avais cru être en train de te diriger vers tout ça mais t'avais tout gâché. T'étais cassée, Madie. Tu l'avais toujours été. Fucked up, même. C'est ce qu'Il avait dit en te quittant. Et comme toujours lorsqu'une émotion arrivait trop brutalement, t'avais fait une crise. Intense. Plus que d'habitude. Tu te souvenais du carmin contre la porcelaine. De la torpeur. Du froid. Des cris d'alarme de ton demi-frère. De l'accueil du néant et de son rejet aussi.

Le bip bip incessant d'une machine tandis que, douloureusement, tes yeux s'ouvrent sur la chambre immaculée. L'odeur caractéristique te pique le nez. Tandis que les anges que tu espérais se révèlent vêtus de blouses, inspectant les bandages à tes poignets. Alors tu revois les images et ce qui t'as mené encore une fois à l'hôpital. Pas seulement une violente crise de colère due à ta difficulté chronique à gérer tes émotions. Non, cette fois c'était plus profond. T'avais vraiment voulu partir. Parce qu'Il t'avait abandonnée. Laissée sans te donner la moindre chance de t'expliquer. Il n'était plus capable de te gérer, qu'Il avait dit. Ton père aussi avait baissé les bras. Quitté ta mère sans plus de nouvelles. Tout le monde s'en allait. Pour Lui, ton chargé de travaux dirigés de littérature avait été la goutte d'eau. Une soirée au bar, une impulsion subite. Coup de tête ridicule aussitôt regretté. Rapporté par des amis soit disant bien intentionnés. On s'inquiétait pour toi parait-il. Tu le savais pourtant que rien n'allait chez toi. T'étais anormale. Anormalement excessive. Anormalement en colère. Anormalement aguichée par tout et n'importe quoi. Et tu t'en voulais, Dieu que tu t'en voulais. Pourtant, Il avait juré qu'il comprenait et qu'il t'acceptait comme tu étais. Mensonge. Mensonge. Mensonge. Toujours plus de mensonge. Alors t'avais craqué. Comme adolescente lorsque tu saccageais ta chambre. La tromperie n'était qu'un symptôme. Il s'était éloigné de toi bien avant ; sans quoi, tes pulsions déplorables, tu aurais pu les gérer. Avec Lui. Mais non. Personne ne comprenait jamais que tu n'avais pas choisi d'être comme ça. Les médicaments aidaient bien sur. Heureusement. Mais ils ne faisaient pas de miracle. C'était un combat quotidien. Tu n'étais plus sûre d'être apte à le mener. Mais quand ta mère et ton beau-père passèrent la porte, t'avais comme toujours plaqué un sourire sur ton visage. Pour les rassurer. Pour qu'ils t'aiment. Malgré tout. Parce que tu avais besoin de ça. Qu'autour de toi les gens t'aiment. Tous. Et pas forcément de la bonne façon.