ALIOCHA

« Mais non monsieur, je n’avais pas du tout l’intention de me suicider. » « Il y avait une corde attachée à votre plafond. » « Oui, c’était pour la déco. »
Aliocha est dépressif et manifeste un trouble de la personnalité. Il a été interné suite à ses nombreuses tentatives de suicide. Chacune d’elles ont la particularité d’avoir soigneusement été mises en scène, dans le but, à chaque fois, d’être déjouées. Lorsqu’il est interrogé, Aliocha nie toutes idées de suicide. Il n’évoque pas sa dépression qu’il préfère qualifier de « tendance à la morosité ». Quand on lui demande comment il se sent, il insiste sur le fait qu’il est heureux et qu’il a confiance en l’avenir. Mais lorsqu’on insiste trop sur la question, il semble perdu et ne réussit visiblement pas à trouver les bons arguments pour se justifier. Ses arguments sont d’ailleurs superficiels et peu convaincants. Aliocha reconnaît lui-même aimer être le centre de l’attention. Tout dans son attitude démontre de son besoin d’être sujet de tous les regards : pendant la consultation il n’est pas capable de rester assis sur une chaise et déambule dans la pièce, il parle d’une voix forte et précipitée, ses gestes sont brusques et incoordonnés. Toute présence dans la pièce devient source d’angoisse s’il ne perçoit pas d’attention particulière à son égard. Un exemple assez parlant : une infirmière est venue en coup de vent récupérer des documents et ne l’a pas salué, il a cherché par tous les moyens d’entrer en contact avec elle, en lui demandant son prénom, en la complimentant sur son physique ou en lui tenant finalement la porte. On note d’ailleurs qu’il tente d’imposer un rapport de séduction à chaque nouvelle rencontre, qu’elle soit féminine ou masculine. Jouant les charmeurs avec le sexe opposé et cherchant à attirer la compassion des autres hommes. Le personnel de l’hôpital le qualifie « d’attachant » même si la plupart souligne la difficulté de gérer son énergie débordante et ses obsessions. On note en effet chez Aliocha une tendance à la mythomanie : se faisant souvent passer pour simple visiteur et non un patient et s’invente également des origines françaises et bourgeoises. Des impulsions de fugue ont été rapportées. Aliocha est aussi sujet à des toc : on note une obsession d’accumulation (il récupère notamment les touillettes à café qu’il range esnuite soigneusement dans un des tiroirs de sa commode) ainsi qu’une peur de l’oubli (il vérifie plusieurs fois par jour si sa porte de chambre est bien fermée). Lorsqu’il est frustré ou angoissé, Aliocha peut se laisser emporter à des pulsions agressives envers lui-même, on la retrouvé à plusieurs reprises recouverts de bleus.

Aliocha est né et à grandi à New York. Quand on lui demande de nous parler de ses parents, Aliocha évite de parler de sa mère. Si on lui pose directement la question, il se contentera de répéter l’exacte même phrase : « je l’ai peu connu, elle est morte lorsque j’avais neuf ans, on m’a dit qu’elle était folle. » Son dossier nous apprend que sa mère est morte à 32 ans d'un accident, elle était alcoolique. Suite au décès de sa mère, l’enfant a d’abord été élevé par son père et sa belle-mère puis placé en famille d’accueil pour négligences. Il sera baladé de famille d’accueil en famille d’accueil pendant toute son adolescence, laissant supposer que son trouble de la personnalité est le résultat de ce manque d’affection et de stabilité familiale. Quand on l’interroge, il raconte avoir été violoniste à la New York Youth Symphony, mais tout laisse supposer qu’il s’agit là d’une invention de sa part. Il évoque aussi avoir été élevé une partie de sa vie en France mais est incapable de prononcer une seule phrase dans cette langue. Son dossier nous rapporte qu’il a n’a jamais fait d’études et qu’il a travaillé comme serveur dans un drive in, avant d’entamer une formation pour devenir fleuriste. Il évoque souvent avoir travaillé comme détective privé pour payer ses études de musique. On trouve en effet dans son dossier un contrat de travail pour une agence située dans le Bronx et des lettres échangés avec un certain Inspecteur Melrose, mais cela pourrait aussi bien être une invention finement travaillée de sa part. Lorsqu’on le questionne sur ses relations sociales, Aliocha rapporte avoir « beaucoup de contacts. » Il raconte être très proche de Woody Allen, dont il serait apparemment le filleul (aucune preuve ne rapporte un tel fait dans son dossier). Il dit avoir eu de nombreuses relations amoureuses avec de « très belles femmes » et on observe en effet que ses cinq tentatives de suicide au cours des 6 dernières années ont à chaque fois été déjouées et signalées par différentes jeunes femmes, toujours qualifiées de « compagnes » dans les rapports de la police. Avant son internement, il avait quitté New York et travaillait comme facteur dans une petite ville, il fréquentait avec une certaine Paloma à l'origine de son internement.